21/11/2024

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Macron reconnaît la responsabilité française dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi : une reconnaissance historique mais partielle

Le président Emmanuel Macron a marqué le 1er novembre 2024, date du 70e anniversaire du début de la guerre d’indépendance algérienne, en reconnaissant la responsabilité de la France dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi. Ce dernier, l’un des six fondateurs du Front de libération nationale (FLN), fut un acteur central de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Il a été exécuté en 1957 par des militaires français sous les ordres du tristement célèbre général Paul Aussaresses, qui avait déjà admis, avant sa mort, l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie.

En reconnaissant cet acte, Macron brise un silence étatique longtemps entretenu par la France, qui avait jusqu’alors tenté de dissimuler cet assassinat en le qualifiant de « suicide ». Ce geste symbolique, cependant, a suscité des réactions mitigées en Algérie, où l’on estime que ce type de reconnaissance n’aborde que partiellement les horreurs de l’occupation française et reste loin de combler les attentes de la mémoire collective algérienne.

Une reconnaissance sélective, déplore l’opinion algérienne

L’ancienne colonie française, profondément marquée par la violence coloniale, perçoit la reconnaissance de Macron comme un geste calculé et isolé. « Macron a visiblement cherché à nous gâcher la grande fête du 1er Novembre en reconnaissant un crime sur un million. La rente mémorielle est plutôt du côté de la droite française, nostalgique de l’Algérie française », a réagi l’ancien ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi dans un tweet acerbe. Rahabi pointe ainsi la gestion « au compte-gouttes » de cette reconnaissance par la France, qui, selon lui, n’apporte aucune réparation tangible.

Le journaliste politique Otman Lahiani exprime une critique similaire, appelant à une prise de conscience plus large et moins fragmentée des réalités du passé colonial. Selon lui, « l’Algérie ne devrait pas être concernée par la distillation de la mémoire et de sa segmentation par Macron et l’establishment français ». Il appelle à une reconnaissance globale de la « réalité coloniale » et de ses exactions, allant au-delà des aveux ponctuels.

Une mémoire alourdie par d’autres crimes coloniaux

L’assassinat de Ben M’hidi n’est qu’un chapitre dans un long et douloureux passé, encore vibrant dans la mémoire collective algérienne. D’autres crimes de masse, tels que les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945, et les enfumades des Sbéhas et du Dahra, ont laissé une empreinte profonde sur l’identité algérienne. Ces événements, au cours desquels des milliers d’Algériens furent tués, souvent avec une violence extrême, sont des symboles puissants de l’oppression coloniale.

Les enfumades, technique barbare utilisée dans les années 1840, sont particulièrement ancrées dans l’histoire algérienne. Ordonnée par des généraux tels que Thomas-Robert Bugeaud et Cavaignac, cette méthode consistait à asphyxier des tribus entières, réfugiées dans des grottes, en allumant des feux devant les entrées pour les priver d’oxygène. En juin 1845, l’enfumade des Ouled-Riah dans les grottes de Ghar-el-Frechih est l’un des exemples les plus effroyables de cette stratégie, causant la mort de 700 à 1 200 personnes, y compris des femmes et des enfants.

Une attente de justice et de réparation

Pour les Algériens, la reconnaissance française de l’assassinat de Ben M’hidi est bien sûr un acte symbolique, mais il semble insuffisant pour apaiser les plaies encore béantes de la colonisation. Beaucoup estiment que la France doit s’engager plus pleinement dans un processus de réparation et de reconnaissance de l’ampleur des souffrances infligées. En Algérie, où la mémoire de la guerre d’indépendance est vivante et le sacrifice de ses martyrs inestimable, les aveux fragmentés de Macron sont vus comme une stratégie visant à minimiser les responsabilités, au lieu de prendre en compte l’intégralité du système colonial et ses pratiques répressives.

En définitive, cette reconnaissance partielle s’inscrit dans une politique mémorielle complexe, marquée par une alternance de gestes de reconnaissance et de silences institutionnels. Macron semble souhaiter une réconciliation entre la France et l’Algérie, mais le chemin semble encore long et semé d’obstacles tant que les responsabilités ne sont pas assumées dans leur globalité. Pour beaucoup, il reste nécessaire que la France initie une réflexion collective plus approfondie sur son passé colonial et engage un dialogue sincère pour apaiser les souffrances mémorielles de son ancienne colonie. Algerie24.net