Le retrait des bases militaires américaines du Niger : une « défaite stratégique » pour Washington
Niamey — Le départ des forces militaires américaines du Niger, et notamment de la base d’Agadez dans le nord du pays, représente un revers stratégique majeur pour les États-Unis, comparable au retrait chaotique d’Afghanistan en 2021. C’est ce qu’a déclaré la major Jackie Lea, ancienne membre des forces américaines déployées au Niger, dans une interview accordée au Washington Post. Ce retrait s’inscrit dans un contexte de déclin de l’influence américaine dans une région considérée comme un épicentre du terrorisme.
Une présence militaire contestée
La base d’Agadez, construite en 2012, était un pilier de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Elle faisait partie des efforts déployés par les États-Unis pour poursuivre la « guerre contre le terrorisme » initiée par l’ancien président George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001. Cependant, l’instabilité politique croissante au Niger, culminant avec le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum, a remis en question cette présence militaire.
Selon la major Lea, les États-Unis ont échoué à anticiper les événements politiques au Niger. « Nous n’avions aucune idée que les dirigeants militaires planifiaient un coup d’État », a-t-elle déclaré, soulignant que les forces américaines ont été prises au dépourvu. Un jour avant le coup d’État, un diplomate américain décrivait encore le Niger comme une « oasis de stabilité » par rapport à ses voisins, le Mali et le Burkina Faso.
Un retrait forcé
En mars 2024, le gouvernement militaire nigérien a ordonné le départ des troupes américaines, mettant fin à une décennie de coopération militaire. Cette décision intervient dans un contexte de tensions croissantes entre les États-Unis et les nouvelles autorités nigériennes, qui se rapprochent de la Russie. Les manifestations populaires à Niamey, où des citoyens ont brandi des drapeaux russes et exprimé leur soutien à Moscou, illustrent ce changement d’alliances.
Les bases américaines au Niger, qui abritaient environ 1 100 soldats, étaient principalement dédiées à la collecte de renseignements, à la surveillance et au soutien logistique des forces nigériennes dans leur lutte contre les groupes jihadistes. Cependant, après l’embuscade de 2017 qui a coûté la vie à quatre soldats américains, les opérations militaires ont été réduites, et l’accent a été mis sur des initiatives civiles.
Un enjeu géopolitique
La présence américaine au Niger avait deux objectifs : lutter officiellement contre le terrorisme et contrer l’influence croissante de la Russie dans la région. Cependant, avec le retrait des troupes américaines, la Russie semble renforcer sa position au Sahel. Les groupes paramilitaires russes, tels que Wagner, ont déjà étendu leur influence au Mali et au Burkina Faso, et pourraient désormais trouver un terrain fertile au Niger.
Pour les États-Unis, ce retrait représente une défaite stratégique. Non seulement il affaiblit leur capacité à surveiller et à combattre les groupes armés dans la région, mais il marque également un recul face à l’influence russe en Afrique. La major Lea a comparé cette situation à la débâcle afghane, soulignant que les États-Unis ont une fois de plus sous-estimé les dynamiques locales.
Perspectives incertaines
Le départ des bases américaines laisse un vide sécuritaire au Niger, un pays déjà confronté à des défis majeurs, notamment la montée en puissance des groupes jihadistes et une instabilité politique persistante. Alors que les nouvelles autorités nigériennes se tournent vers la Russie, les conséquences à long terme de ce changement d’alliances restent incertaines.
Pour les États-Unis, cette situation soulève des questions sur leur stratégie en Afrique. Alors que le Sahel devient un terrain de rivalité géopolitique entre grandes puissances, Washington devra repenser son approche pour maintenir son influence dans une région de plus en plus volatile.
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