Les relations algéro-américaines : entre prudence stratégique et opportunités concrètes
Dans un contexte géopolitique instable, l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient a publié une note stratégique approfondie sur l’avenir des relations entre l’Algérie et les États-Unis. Ce rapport, signé par Sabina Henneberg, dresse un bilan lucide des dynamiques actuelles tout en formulant des recommandations concrètes pour renforcer ce partenariat bilatéral, longtemps sous-exploité.
L’Algérie : un partenaire convoité mais prudent
L’Algérie, marquée par son attachement historique à la souveraineté, la non-ingérence et le non-alignement, a longtemps résisté à un rapprochement franc avec Washington. Toutefois, les signaux récents émanant d’Alger indiquent une volonté progressive d’ouverture. Ce tournant s’explique en partie par la pression croissante exercée par les défis régionaux – notamment la situation au Sahel et le conflit du Sahara occidental – mais aussi par l’évolution de la jeunesse algérienne et l’essor de la langue anglaise dans l’enseignement public.
Dans cette optique, Washington a commencé à intensifier ses efforts de rapprochement, en particulier depuis la signature, en janvier 2025, d’un protocole d’accord de défense jugé « inédit » et la mise en place d’une commission militaire mixte.
La coopération sécuritaire au cœur de l’agenda bilatéral
Le domaine de la sécurité reste l’axe principal de la coopération actuelle. L’Algérie, qui aspire à jouer un rôle de leader régional en matière de lutte antiterroriste, bénéficie d’une reconnaissance croissante de la part des institutions américaines. Le rapport met en lumière les efforts de Washington pour soutenir l’Algérie dans ses opérations au Sahel, notamment à travers des programmes de formation et d’échange de renseignements.
L’intérêt mutuel pour la stabilité de la région, la prévention de flux migratoires incontrôlés vers l’Europe et la lutte contre les groupes extrémistes placent les deux pays sur une trajectoire de convergence, à condition que la confiance soit réciproque et durable.
Vers une coopération économique plus diversifiée
Si le secteur des hydrocarbures reste dominant dans les échanges, les experts américains soulignent les opportunités offertes par des domaines émergents comme l’agro-industrie, la gestion de l’eau, ou encore les énergies renouvelables. Le rapport recommande d’associer des entreprises algériennes aux savoir-faire techniques américains pour favoriser la croissance endogène tout en répondant aux défis environnementaux.
À noter également : l’Algérie a récemment accordé une licence à des éleveurs texans pour l’exportation de vaches laitières, un signe d’ouverture dans les échanges agricoles.
La Chine et la Russie, rivaux silencieux de Washington
Le document insiste sur l’importance, pour les États-Unis, de faire face à la montée en puissance de la Chine et de maintenir une vigilance stratégique vis-à-vis de la Russie. L’Algérie reste dépendante de Moscou pour ses importations d’armes, bien que cette dépendance ait décliné depuis le début du conflit ukrainien. Le rapport suggère que Washington pourrait tirer parti de cette situation pour proposer des partenariats militaires plus transparents et mieux alignés sur les intérêts algériens.
Il est également souligné que la perception de la Chine est aujourd’hui globalement plus positive que celle des États-Unis au sein de la société algérienne, un déficit d’image que Washington devra combler par des actions concrètes et respectueuses.
Culture, éducation et diplomatie : des leviers d’influence douce
Le développement rapide de l’anglais en Algérie et la demande croissante de séjours éducatifs aux États-Unis ouvrent une brèche pour un soft power plus affirmé. Le rapport préconise d’augmenter les financements des programmes d’apprentissage de l’anglais, mais aussi ceux liés à la gestion durable des ressources naturelles. Une telle approche, moins intrusive, renforcerait la confiance du public algérien et favoriserait un dialogue d’égal à égal.
Conclusion : une relation à bâtir sur la patience et le respect
L’étude conclut que le rapprochement entre Washington et Alger est possible, mais à condition d’accepter les spécificités algériennes. La lenteur administrative, la complexité des circuits décisionnels et la méfiance vis-à-vis des ingérences extérieures sont des réalités que les Américains doivent intégrer dans leur stratégie.
En retour, une approche fondée sur l’écoute mutuelle, la constance et la reconnaissance de la souveraineté algérienne pourrait faire de l’Algérie un acteur stratégique fiable pour les États-Unis, tant sur le plan régional qu’international.
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