21/11/2024

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Irak : 31 morts en trois jours de manifestations

Bagdad (AFP) – L’Irak a vécu jeudi sa journée la plus sanglante depuis le début mardi de manifestations au cours desquelles 31 personnes ont été tuées avec des affrontements d’une violence inédite entre protestataires et forces de sécurité.

Parti de Bagdad, le mouvement réclamant des emplois pour la jeunesse et le départ des dirigeants “corrompus” a désormais gagné la quasi-totalité du sud du pays et franchi un nouveau palier dans la violence, avec des dizaines de blessés par balles dans diverses villes du pays, dont la capitale, deuxième plus peuplée du monde arabe.

Si la contestation est le premier test populaire pour le gouvernement d’Adel Abdel Mahdi, qui doit souffler sa première bougie à la fin du mois, la journée de vendredi sera un important test politique pour le chef du gouvernement, avec le sermon du grand ayatollah Ali Sistani.

Plus haute autorité religieuse pour la grande majorité des chiites d’Irak, il passe pour avoir son mot à dire, notamment pour nommer et démettre les Premiers ministres. Son prêche pourrait éventuellement donner un signal aux manifestants sur la suite du mouvement.

M. Abdel Mahdi ne s’était exprimé jusqu’ici que par communiqué, saluant “la retenue des forces armées” et annonçant le couvre-feu à Bagdad, tandis que son bureau affirmait avoir rencontré des “représentants des manifestants”.

M. Abdel Mahdi est sorti de son silence dans la nuit de jeudi à vendredi pour défendre le bilan de son gouvernement et sa gestion de la crise qui menace “de détruire l’Etat tout entier”.

Il ne s’est pas adressé aux manifestants dans son discours télévisé mais a promis “des pensions aux familles sans revenus” tout en réclamant plus de temps pour mettre en place les réformes qu’il a promises à son arrivée au pouvoir.

Au moment où la télévision d’Etat diffusait son allocution, des tirs pouvaient être entendus dans l’ensemble du centre de Bagdad.

Les autorités, qui dénoncent des “saboteurs” et proposent aux protestataires d’appeler un numéro vert pour faire part de leurs revendications, semblent avoir choisi la fermeté, une décision critiquée jeudi par Amnesty International.

L’organisation a exhorté Bagdad à “ordonner immédiatement aux forces de sécurité de cesser d’utiliser une force, notamment létale, excessive” et à rétablir la connexion, internet étant toujours coupé dans une grande partie du pays et les réseaux sociaux inaccessibles.

Dans la soirée, les affrontements se sont poursuivis dans plusieurs villes du sud de l’Irak, ainsi qu’à Bagdad où les blindés des forces spéciales sont entrés en action pour repousser la foule, les forces de l’ordre tirant sur le sol des balles qui ricochaient sur les manifestants, aussitôt transportés à bord de touk-touk par des camarades, a constaté un photographe de l’AFP.

Cela n’a pas entamé la détermination d’Ali, diplômé chômeur de 22 ans qui prévient: “On continuera jusqu’à la chute du régime”. “Je veux travailler, je veux pouvoir me marier, je n’ai en poche que 250 dinars”, soit moins de 20 centimes d’euros, a-t-il lancé à l’AFP. Alors, a-t-il dit, que “les dirigeants brassent des millions” dans le douzième pays le plus corrompu au monde, selon Transparency International.

Abou Jaafar, retraité aux cheveux blancs, observait, lui, les affrontements, affirmant être venu “en soutien aux jeunes”. “Pourquoi les policiers tirent-ils sur des Irakiens comme eux? Eux aussi souffrent comme nous, ils devraient nous aider et nous protéger”, s’emporte-t-il.

Fait inédit en Irak, le mouvement est né sur les réseaux sociaux d’appels qu’aucun parti politique ou leader religieux n’a revendiqués.