Un accrochage verbal acrimonieux a opposé jeudi les ministres turc et grec des Affaires étrangères, qui ont publiquement étalé leur divergences sur plusieurs dossiers devant la presse à Ankara, un esclandre qui augure mal de la suite de leur dialogue.
Le Turc Mevlut Cavusoglu et Grec Nikos Dendias se sont opposés devant les caméras sur les frontières maritimes, les migrants et le traitement des minorités lors d’une conférence de presse à l’issue d’une visite à Ankara du ministre grec censée consolider le dialogue entamé par les deux pays pour résoudre leurs nombreux contentieux.
“Si vous portez de telles accusations lourdes contre mon pays et mon peuple, je suis obligé d’y répondre”, a fulminé M. Cavusoglu, visiblement excédé par des déclarations de son homologue grec.
M. Dendias a notamment critiqué les activités turques en mer Egée et en Méditerranée orientale et ce qu’il considère comme une application déficiente de la part d’Ankara d’un accord sur les migrants avec l’Union européenne. “La Turquie ne devrait pas faire de leçon à la Grèce”, a-t-il dit.
“La position de la Grèce est claire et ce n’est pas la première fois que vous l’entendez: la Turquie a violé en mer Egée et à la Méditerranée orientale le droit international et la convention (internationale) de la mer et les droits même souverains de la Grèce, la Turquie a effectué 400 vols au-dessus du sol grec”, a ajouté M. Dendias, qui a été aussi reçu jeudi à Ankara par le président Recep Tayyip Erdogan.
Sur le dossier des migrants, M. Cavusoglu s’est défendu en affirmant que la Turquie s’était comportée d’une “manière décente” et accusé Athènes d’avoir “refoulé 80.000 personnes lors des quatre dernières années” et d’avoir “jeté d’autres à la mer”.
“Nous n’avons jamais utilisé la question des migrants contre l’UE ou contre la Grèce”, a-t-il affirmé.
– “Inacceptables” –
L’UE et la Turquie ont signé en mars 2016 un accord d’une durée de cinq ans pour stopper l’afflux de migrants vers l’UE. Ankara souhaite le renouvellement de cet accord qui a permis de réduire considérablement le passage de migrants vers l’Europe depuis la Turquie en contrepartie d’une importante aide financière.
Bruxelles et Athènes reprochent toutefois à Ankara d’avoir arrêté de reprendre les migrants en situation irrégulière sur les îles grecques depuis le début de la pandémie de coronavirus.
M. Cavusoglu a en outre affirmé que les activités d’Ankara en Méditerranée orientale visaient à “protéger les intérêts de la Turquie et des Chypriotes-turcs”.
“Nous avons nos divergences sur ces sujets mais si vous venez ici pour accuser la Turquie alors que étions convenu de discuter de ces dossiers, je suis obligé de répondre”, a-t-il ajouté, qualifiant à plusieurs reprises les propos de son homologue grec d'”inacceptables”.
Il a en outre accusé la Grèce de discrimination contre ses la minorité turque sur son territoire.
“En Turquie, nous reconnaissons la minorité grecque orthodoxe comme grecque-orthodoxe. Mais vous dites que les Turcs (de Grèce) qui eux-mêmes se considèrent comme turcs ne sont pas turcs mais seulement des musulmans”, a-t-il pesté.
“Sur la minorité musulmane: c’est le traité de Lausanne (de 1923) qui stipule (qu’il s’agit bien d’une minorité musulmane), et ce traité est en vigueur”, a répliqué M. Dendias, qui avait rencontré mercredi à Istanbul le patriarche de Constantinople, figure majeure du monde orthodoxe.
Les tensions entre les deux pays voisins et membres de l’Otan, aux relations historiquement délicates, se sont aggravées ces dernières années en raison de forages gaziers effectués par la Turquie dans des eaux grecques en Méditerranée orientale.
Leurs relations sont aussi empoisonnées par des griefs réciproques sur le traitement des minorités musulmane en Grèce et orthodoxe en Turquie, ainsi que par la gestion des flux migratoires aux frontières terrestres et maritimes des deux pays.
Dans ce contexte, des responsables grecs et turcs ont repris cette année des discussions “exploratoires” afin d’aplanir certains de leurs différends mais ces pourparlers n’ont enregistré aucune avancée.
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