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Relations franco-algériennes : nouvelle escalade diplomatique entre Paris et Alger

Les relations déjà fragiles entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle dégradation majeure. Une tension inédite secoue les deux capitales depuis l’annonce d’expulsions réciproques de diplomates, signe d’une rupture de confiance préoccupante.

Une affaire judiciaire aux lourdes conséquences

Tout a commencé par la mise en examen à Paris, le vendredi 11 avril 2025, de trois ressortissants algériens. Parmi eux figure un agent consulaire, soupçonné d’implication dans l’enlèvement d’Amir Boukhors, alias AmirDZ, un influenceur et opposant exilé en France. Cette affaire, qui remonte au mois d’avril 2024, a ressurgi dans un contexte déjà tendu entre les deux pays.

La justice française, qui a ordonné le placement en détention des suspects, insiste sur le fait que cette décision relève strictement d’une procédure judiciaire indépendante. Mais à Alger, cette arrestation a été perçue comme un affront diplomatique. La réaction n’a pas tardé.

Réaction immédiate d’Alger : 12 diplomates français expulsés

En guise de protestation, les autorités algériennes ont annoncé l’expulsion de 12 agents diplomatiques français. Cette décision a été motivée, selon Alger, par le « caractère inédit de la crise » provoquée par l’arrestation d’un de ses agents consulaires.

Dans son communiqué du 14 avril, le gouvernement algérien avait déjà averti qu’il se réservait le droit de répondre avec fermeté. La réponse est tombée quatre jours plus tard : une mesure de réciprocité symbolisant le rejet de ce qu’Alger qualifie de « machination politique orchestrée » par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

Réplique française : rappel de l’ambassadeur et expulsions supplémentaires

Face à ce geste fort d’Alger, Paris a décidé de rappeler son ambassadeur pour consultation et d’ordonner l’expulsion de 12 diplomates algériens supplémentaires, portant le total à 24 agents concernés par cette crise.

Dans un communiqué ferme, l’Élysée accuse les autorités algériennes d’être responsables d’une « dégradation brutale des relations bilatérales ». Paris affirme que la France défendra ses intérêts, notamment en matière de sécurité nationale et de coopération migratoire. Cette dernière phrase laisse entendre un durcissement imminent, notamment concernant la délivrance des laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion de ressortissants algériens en situation irrégulière.

Paris appelle au dialogue, mais fixe des limites

Malgré cette escalade, la France ne ferme pas totalement la porte à la désescalade. « Nous avons agi par stricte réciprocité, le souhait est que nous en restions là », confie un acteur de la relation bilatérale cité à Paris. L’Élysée insiste néanmoins sur la nécessité d’un dialogue équitable. « Le dialogue, toujours, mais pas à sens unique », a rappelé mardi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur X (ex-Twitter).

L’Élysée estime que la balle est désormais dans le camp d’Alger. Aucun signal concret de désescalade n’a encore été observé.

Alger dénonce une théâtralisation politique

Côté algérien, la position reste défensive mais ouverte. Le secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, a déclaré que l’Algérie avait « pris acte » de la décision française. Il a néanmoins regretté l’absence de précisions sur les diplomates visés.

Sofiane Chaib a rappelé que l’affaire AmirDZ avait été « réchauffée de toutes pièces » à des fins politiques internes françaises. Selon lui, cette manœuvre vise à torpiller la dynamique engagée depuis deux ans par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron pour améliorer les liens bilatéraux.

Il a enfin averti que d’autres mesures pourraient être envisagées si la France persistait dans cette logique de confrontation.

Une dynamique brisée entre deux partenaires historiques

Cette crise marque un tournant dans les relations entre les deux pays. Après plusieurs tentatives de réconciliation, notamment autour des dossiers mémoriels, économiques et migratoires, les tensions ressurgissent avec force. La confiance mutuelle semble désormais rompue.

La France et l’Algérie, unies par une histoire douloureuse mais inévitablement liée, devront décider si cette nouvelle rupture est passagère ou s’il s’agit d’un point de non-retour. Pour l’heure, les deux capitales campent sur leurs positions, tandis que l’ambassadeur français plie bagage, symbole d’un dialogue suspendu.

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