France

Jean-Michel Aphatie relance le débat sur la mémoire coloniale française en Algérie

Les propos tenus par Jean-Michel Aphatie sur RTL, mardi 25 février, ont une nouvelle fois ravivé les tensions autour de la mémoire coloniale française, en particulier concernant les événements tragiques survenus en Algérie au XIXe siècle. Le journaliste, connu pour ses prises de position tranchées, a comparé les exactions commises par la France lors de la conquête de l’Algérie à celles perpétrées par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale, suscitant une vive polémique et des signalements auprès de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique).

« On a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie »

Intervenant sur RTL, Jean-Michel Aphatie a déclaré : « Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ? ». Cette référence au massacre d’Oradour-sur-Glane, où 643 civils furent tués par les SS en 1944, a immédiatement provoqué une réaction du présentateur Thomas Sotto, qui a rétorqué : « On n’a pas fait Oradour-sur-Glane en Algérie ». Aphatie a alors répliqué : « Les Nazis se sont comportés comme nous, nous l’avons fait en Algérie ».

Ces propos ont rapidement fait réagir les auditeurs et les observateurs, certains saluant le courage de rappeler des pages sombres de l’histoire française, d’autres dénonçant une comparaison jugée excessive et inappropriée. L’Arcom a confirmé l’ouverture d’une instruction pour déterminer si RTL a commis un manquement à ses obligations.

Oradour-sur-Glane : un symbole de la barbarie nazie

Pour bien comprendre la portée des propos d’Aphatie, il est essentiel de revenir sur ce qu’a été le massacre d’Oradour-sur-Glane. Le 10 juin 1944, un détachement de la division SS « Das Reich » a encerclé ce petit village de Haute-Vienne, près de Limoges. Les hommes ont été rassemblés et fusillés, tandis que les femmes et les enfants ont été enfermés dans l’église, laquelle a été incendiée. Au total, 643 personnes, dont 247 enfants, ont été massacrées. Ce crime de guerre, l’un des plus odieux commis par les Nazis en France, est devenu un symbole de la barbarie nazie et fait l’objet de commémorations annuelles.

Les « enfumades » et les massacres de la conquête de l’Algérie

Les déclarations d’Aphatie renvoient à des épisodes tragiques de la conquête de l’Algérie par la France au XIXe siècle, notamment les « enfumades », une technique utilisée par l’armée française pour asphyxier des populations entières réfugiées dans des grottes. L’un des épisodes les plus marquants est celui du massacre des grottes du Dahra, en juin 1845, où le lieutenant-colonel Pélissier a ordonné de brûler des fagots à l’entrée des grottes, provoquant la mort de centaines de civils, hommes, femmes et enfants.

Un autre exemple souvent cité est le siège de Laghouat en 1852, où l’armée française, sous le commandement du général Pélissier, a massacré une grande partie de la population de la ville, y compris des femmes et des enfants, dans le cadre d’une stratégie de terreur visant à briser la résistance algérienne. Ces événements, longtemps occultés dans l’histoire officielle française, ont été progressivement mis en lumière par les travaux d’historiens.

Le discours mensonger de certains politiques français

Il est important de souligner que les propos d’Aphatie interviennent dans un contexte où certains courants politiques, notamment à l’extrême droite, continuent de défendre l’idée des « bienfaits de la colonisation ». Ce discours, largement déconstruit par les historiens, vise à minimiser ou à nier les violences et les exactions commises par la France en Algérie. Il s’agit d’une réécriture de l’histoire qui sert à justifier l’injustifiable et à occulter la barbarie de cette colonisation.

En réalité, la colonisation de l’Algérie a été marquée par une violence systématique, des massacres de masse, des dépossessions territoriales et une exploitation économique brutale. Les « enfumades », les razzias et les politiques de terreur ont été des outils de domination utilisés pour soumettre la population algérienne. Prétendre que la colonisation a apporté des « bienfaits » revient à ignorer ces réalités historiques et à perpétuer un récit colonialiste.

Un débat toujours sensible

La comparaison entre les exactions coloniales françaises et les crimes nazis reste un sujet extrêmement sensible. Pour certains, comme Aphatie, il s’agit de rappeler que la France a également commis des atrocités massives, souvent minimisées ou ignorées. 

Le débat soulève également la question de la mémoire collective et de la manière dont la France aborde son passé colonial. Alors que les commémorations des massacres comme celui d’Oradour-sur-Glane sont bien ancrées dans la mémoire nationale, les événements similaires survenus en Algérie restent largement méconnus du grand public.

Vers une reconnaissance officielle ?

Les propos d’Aphatie interviennent dans un contexte où la France commence à peine à regarder en face son passé colonial. En 2021, Emmanuel Macron avait reconnu que l’assassinat du militant indépendantiste Ali Boumendjel en 1957 était un crime d’État, marquant un pas vers une reconnaissance plus large des exactions commises pendant la guerre d’Algérie. Cependant, la question des réparations et d’une véritable réconciliation reste en suspens.

En attendant, les déclarations d’Aphatie ont le mérite de relancer un débat nécessaire sur la mémoire et la responsabilité historique. Reste à savoir si cette polémique contribuera à une prise de conscience collective ou si elle restera un échange de plus dans un dialogue souvent houleux et fragmenté. algerie24.net

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