29/03/2024

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Covid 19 : Les Japonais méfiants à l’égard des vaccins

vaccin covid19

AFP – La campagne de vaccination contre le coronavirus au Japon, pas attendue avant plusieurs semaines, risque d’être encore ralentie par une méfiance de longue date de la population nippone à l’égard des vaccins, préviennent des experts.

Alors que des millions de personnes ont été inoculées aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, le Japon n’a encore donné son feu vert à aucun vaccin, et le Premier ministre Yoshihide Suga, qui souhaite les voir administrés à partir de fin février, veut donner l’exemple en se faisant lui-même vacciner.

Car seuls 60% des Japonais sont prêts à recevoir la piqûre, selon une étude Ipsos réalisée en décembre pour le Forum économique mondial, contre 80% en Chine, 77% au Royaume-Uni, 75% en Corée du Sud ou 69% aux Etats-Unis. Seuls les Français (40%), les Russes et les Sud-Africains sont moins acquis aux vaccins que les Japonais parmi les 15 pays scrutés.

Selon un autre sondage de la chaîne de télévision publique NHK, la moitié seulement de la population nippone est prête à recevoir le vaccin.

Si réticences et oppositions ont été observées ces dernières années dans les pays industrialisés, la défiance remonte bien plus loin dans l’archipel nippon, où les experts la mettent sur le compte d’une série de procès sur leurs effets nocifs supposés, d’informations erronées des médias et d’un gouvernement timoré.

« Il y a un manque de confiance dans les informations du gouvernement », déclare à l’AFP Harumi Gomi, professeure au Centre de recherche en infectiologie de l’Université internationale de Santé et Bien-être.

– Crainte de poursuites –

Les autorités nippones ont été la cible de plusieurs recours collectifs en justice dès les années 1970 concernant les effets secondaires imputés à plusieurs vaccins, dont celui contre la variole.

Par ailleurs, deux décès survenus après l’injection d’un vaccin combiné contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche ont entraîné son retrait temporaire par le gouvernement et une réaction de méfiance du public, malgré sa réintroduction par la suite.

Dans les années 1980-90, c’est le vaccin combiné rougeole-oreillons-rubéole qui a dû être retiré après des cas de méningite aseptique chez des enfants l’ayant reçu.

Une décision de justice de 1992 déclarant le gouvernement responsable des effets indésirables imputés à plusieurs vaccins, même en l’absence de lien scientifiquement prouvé, a scellé leur sort dans l’opinion.

Après cela, « le gouvernement a dû craindre d’être poursuivi si des vaccins qu’il recommandait posaient problème », note Tetsuo Nakayama, chercheur spécialisé en virologie clinique à l’Institut des Sciences du vivant Kitasato.

« En conséquence, les programmes de vaccins du Japon n’ont pas avancé pendant 15-20 ans ».

– « Communiquer avec le public » –

Les médecins ont oeuvré au quotidien pour restaurer la confiance dans les vaccins avec un certain succès, notamment pour celui contre le HIB, qui, administré aux enfants en bas âge, permet de prévenir la méningite.

Mais peu après, des effets indésirables attribués au vaccin HPV (contre le papillomavirus humain), abondamment évoqués par les médias, et malgré les doutes des scientifiques sur le lien de cause à effet, ont poussé le gouvernement à le retirer de sa liste de vaccins recommandés.

Des enquêtes ultérieures n’ont pas mis en évidence de risque sanitaire et le vaccin est utilisé dans de nombreux autres pays, mais, au Japon, le mal était fait: son taux d’utilisation a chuté de 70% à moins d’1%, selon un article de la revue médicale Lancet.

« C’est extrêmement décevant pour moi en tant que spécialiste », reconnaît le Pr. Gomi.

Pour le coronavirus, le gouvernement nippon a acheté suffisamment de doses pour les 127 millions d’habitants auprès des entreprises pharmaceutiques Moderna, AstraZeneca et Pfizer, lequel a déposé une demande d’homologation au Japon en décembre. Ils seront administrés gratuitement.

Mais une décision est peu probable avant février, et le Pr. Nakayama pense que le gouvernement doit communiquer « de manière appropriée » pour gagner la confiance du public d’ici-là.

« Il faut qu’ils expliquent les risques liés à la contamination, les avantages des vaccins et leurs effets secondaires » possibles, ajoute-t-il.

« Aucun vaccin n’est efficace à 100% », rappelle le Pr. Gomi, « et les campagnes d’inoculation ne fonctionneront pas » si les gens ne le comprennent pas.

Le Japon a été relativement épargné jusqu’ici par la pandémie (moins de 3.900 décès) mais le nombre de cas est monté en flèche ces derniers jours, forçant le gouvernement à déclarer l’état d’urgence dans le grand Tokyo.